Avec le réchauffement climatique et l’augmentation des événements naturels extrêmes, la nécessité de réformer le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles s’impose. La nouvelle proposition de loi, adoptée au Sénat le 29 octobre 2024, vise non seulement à renforcer le régime d’assurance pour ces catastrophes, mais également à inclure des risques spécifiques, comme l’échouement massif des algues sargasses en Guadeloupe, en Martinique, et plus généralement aux Antilles. Ce fléau récurrent est désormais reconnu comme une catastrophe naturelle, ouvrant la voie à une meilleure prise en charge de ses impacts environnementaux, sanitaires et économiques.
1. Le régime CatNat et sa réforme : Contexte et nécessité
La réforme de la loi vise à pallier les faiblesses du régime d’indemnisation CatNat, un régime d’assurance public-privé, qui repose sur une surprime appelée « surprime CatNat » prélevée sur les contrats d’assurance habitation. Géré par la Caisse Centrale de Réassurance (CCR) avec le soutien financier de l’État, le régime se trouve aujourd’hui sous pression en raison de l’augmentation de la sinistralité causée par les catastrophes naturelles, en particulier celles liées au changement climatique. Les estimations de coût liées aux catastrophes devraient en effet augmenter de 40 % d’ici 2050, rendant nécessaire un réajustement du financement de ce régime.
Pour faire face à cet enjeu, la loi prévoit des mécanismes de revalorisation automatique de la surprime, qui sera augmentée de 12 % à 20 % au 1er janvier 2025. À partir de 2027, cette surprime pourra être réévaluée automatiquement chaque année pour garantir la pérennité du régime.
2. La reconnaissance des sargasses comme catastrophe naturelle : Un avancement pour les Antilles
Un des amendements clés de cette loi est l’inclusion de l’échouement massif de sargasses dans les critères des catastrophes naturelles. Ce phénomène, affectant principalement les Antilles, est causé par la prolifération d’algues brunes (sargasses) qui s’accumulent le long des côtes, créant d’importants désagréments pour les populations locales et les écosystèmes marins.
Les impacts des sargasses sont multiples :
- Environnementaux : Les échouements massifs de sargasses entraînent une dégradation des écosystèmes côtiers, affectant la biodiversité marine et détruisant les récifs coralliens.
- Sanitaires : La décomposition des algues dégage des gaz toxiques comme le sulfure d’hydrogène et l’ammoniac, entraînant des problèmes respiratoires, des irritations de la peau et des yeux, et affectant les personnes vulnérables.
- Économiques : Les plages et zones touristiques sont fortement touchées, diminuant l’attractivité des îles et impactant des secteurs économiques cruciaux pour la région.
L’amendement relatif aux sargasses, proposé par les sénateurs Victorin Lurel et Catherine Conconne, permettra désormais de reconnaître cette situation comme une catastrophe naturelle récurrente, offrant un cadre pour des mesures d’indemnisation plus adaptées aux populations et facilitant le financement des opérations de ramassage.
3. Mesures pour renforcer la protection des assurés
La proposition de loi vise également à rééquilibrer les rapports entre assurés et compagnies d’assurance, en particulier pour les habitants des zones exposées à des risques naturels récurrents :
- Suppression des franchises multiples : Les assureurs ne pourront plus appliquer plusieurs fois la franchise en cas de survenance d’aléas naturels successifs, épargnant ainsi aux assurés une double peine financière en période de crise.
- Refus d’assurance encadré : Dans les zones les plus à risques, la loi introduit une présomption de refus d’assurance, ce qui permettra aux assurés de saisir plus facilement le Bureau Central de Tarification (BCT).
- Indemnisation et transparence : Les compagnies d’assurance seront désormais tenues de prendre en charge les frais de contre-expertise demandés par les assurés dans les cas de catastrophes naturelles. De plus, les experts devront transmettre tous les documents pertinents aux assurés pour garantir une meilleure transparence du processus d’indemnisation.
Ces mesures devraient protéger les assurés contre certains abus et alléger le fardeau financier que peuvent entraîner des catastrophes naturelles répétées.
4. Incitations à la prévention des risques : L’éco-PTZ prévention et MaPrimeRénov’
Afin d’encourager les particuliers à investir dans des travaux de prévention, la loi introduit deux dispositifs incitatifs :
- L’éco-PTZ Prévention : Ce prêt à taux zéro sera proposé aux ménages pour financer des travaux visant à protéger leurs habitations contre les catastrophes naturelles. Destiné aux résidences principales construites avant 2020, il permettra de réaliser des travaux de prévention souvent onéreux pour renforcer la résilience des habitations dans les zones à risques.
- MaPrimeRénov’ conditionnée : Le versement de MaPrimeRénov’ pour les habitations dans des zones exposées aux risques naturels majeurs sera désormais conditionné à la réalisation de travaux de prévention, s’assurant ainsi que les rénovations incluent des mesures de protection.
Ces dispositifs, disponibles dès 2026, sont des avancées majeures dans le soutien aux travaux de prévention dans les zones vulnérables.
5. Autres amendements et aspects de la réforme
Outre les mesures spécifiques pour les sargasses et les incitations financières, la réforme comporte également des dispositions importantes pour une meilleure prévention et sensibilisation des risques :
- Sensibilisation des propriétaires et des locataires : L’état des risques annexé à l’acte de vente ou de location doit désormais inclure une information sur le risque de retrait-gonflement des argiles (RGA) pour les biens situés dans des zones exposées.
- Intégration dans l’urbanisme et les programmes scolaires : Les collectivités locales pourront inclure le risque RGA dans leurs documents d’urbanisme, tandis que des éléments de prévention des risques naturels seront intégrés dans les programmes de l’école primaire.
- Renforcement des règles de construction : Les normes de construction sont révisées pour réduire la vulnérabilité au RGA, un risque qui impacte une grande partie des constructions en France.
6. Prochaines étapes : Passage à l’Assemblée nationale
La proposition de loi entame maintenant son parcours à l’Assemblée nationale, où elle pourrait être modifiée. Les défenseurs de l’amendement relatif aux sargasses, comme Victorin Lurel, membre du sénat français et sénateur de la Guadeloupe depuis 2017, comptent bien s’assurer que celui-ci ne soit pas supprimé, comme cela s’était produit il y a quatre ans.
Conclusion
La réforme du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles marque une étape significative pour la résilience face aux risques naturels, notamment pour les territoires d’outre-mer confrontés aux échouements massifs de sargasses. En intégrant cette problématique aux critères de catastrophes naturelles, le gouvernement reconnaît enfin l’ampleur des impacts de ce phénomène pour les populations antillaises. De plus, les nouvelles mesures d’indemnisation, de protection des assurés et les incitations aux travaux de prévention constituent une avancée précieuse pour atténuer les effets du changement climatique et mieux soutenir les sinistrés.
Les citoyens et les élus attendent désormais que l’Assemblée nationale maintienne ces progrès pour répondre aux défis des catastrophes naturelles de demain.